Publié le 06/01/2012.
Dans le cadre de nos interviews de chefs français implantés à l’étranger, nous vous remercions d’avoir accepté de répondre à nos questions pour mieux découvrir votre travail et surtout pour que les internautes ne vous ne connaissant pas encore découvrent un chef d’exception !
Vous êtes donc Nicolas Vienne et vous êtes actuellement le chef exécutif du Sofitel SO à Bangkok en Thaïlande, un établissement 5 étoiles, depuis le mois de Septembre 2011. En commençant par Paris, vous avez ensuite travaillé entre autres à Boston puis à Nouméa en Nouvelle Calédonie en passant par Bora Bora puis Shanghai…
Pourriez-vous dans un premier temps nous résumer votre parcours en commençant par les études que vous avez réalisé et ensuite en nous présentant les différents postes que vous avez occupé ?
Nicolas Vienne :
La cuisine est avant toute chose un métier que j’ai toujours voulu faire depuis l’âge de 12 ans ; mais lorsque vous êtes petit vous voulez plutôt être astronaute, pilote de f1 ou encore pompier. Néanmoins, moi, dès cet âge, je voulais travailler dans le milieu de l’industrie de l’hôtellerie – restauration. J’ai donc commencé à l’âge de 17 ans mes études au sein de l’école hôtelière de Paris dans le 17ème avec un CAP / BEP. J’étais un très bon élève, j’ai donc pu faire des stages au George V, Plaza Athénée, Alain Ducasse Paris…
Je suis ensuite parti vers l’école Ferrandi pour mon BTS et en apprentissage au sein de Butard Enescot durant 2 années. Ce fut une expérience fabuleuse car on vous apprend a être responsable et autonome ; ce qui n’est pas vraiment le cas de beaucoup d’écoles. Apres 6 années d’étude j’ai pris le départ pour les USA dans le RI à Providence pour terminer mon cycle lors d’un échange scolaire à l’université culinaire Johnson and Wales ; qui compte près de 5 campus aux USA. Expérience incroyable, découverte d’une façon de cuisiner plus ouverte qu’en France, avec tout de même un peu de « n’importe quoi » au passage, des professeurs de type « Chef célèbre » ayant leur show de cuisine sur les chaînes nationales et enfin rencontre d’un cousin germain qui était le senseur de l’établissement. Après plusieurs mois au sein de cette école, première expérience culinaire outre atlantique à Boston durant 2 années pour l’ouverture d’un bistro français dans le quartier des affaires : mon premier vrai job à responsabilités avec que des locaux, des latinos … Les débuts ont été difficiles mais chaque difficulté vous forge votre façon de gérer les épreuves. Deux années de plaisir, de rencontre, d’échanges … puis retour en France où là , le couperet est tombé brutalement.
Mon premier job en arrivant en France fut un travail pour un indépendant sur Toulouse pour connaître leurs produits avec une visite des fermes. Je suis ensuite retourné à Paris pour l’ouverture de leur restaurant dans le 9ème. Courte expérience car le travail ne correspondait pas du tout à ce que je voulais faire. S’est alors installée une longue période de doute avec l’unique envie de repartir à l’étranger. Par la suite, j’ai participé à l’ouverture de plusieurs restaurants dans les quartiers de la bourse avec grand succès, revue de presse importante jusqu’en Australie puis départ au Liban : Un pays incroyable, une cuisine riche et variée mais cela n’était toujours pas ma voix alors je suis retourné en France afin de chercher le poste qui me conviendrait le mieux, après six mois de recherche, je suis parti à Miami pour l’ouverture d’une boutique traiteur à Coral Gables. Une boutique énorme proche de celle de Fauchon à Paris en terme de surface. L’idée était de monter un traiteur de type Lenôtre dans un état où le buritos, les fajitas et les empenadas sont rois. Le challenge fut intéressant mais très difficile à mettre en place alors après revente de la boutique nous nous sommes orientés sur un projet de traiteur « bakery » à Fort Lauderdale. Ce projet a donc été mis en place très rapidement mais au bout de quelques mois : Clés sous la porte mais pour moi, cette fermeture donnait le top départ pour la Nouvelle Calédonie.
Pour partir là bas j’avais réalisé un mailing de près de 300 courriers avec cd de présentation de mon parcours dans plusieurs endroits de la planète et puis un jour la Nouvelle Calédonie s’est présentée. Le poste fut très séduisant sur le papier, un hôtel 5 étoiles, pilotis luxueux mais la réalité fut toute autre. Isolement total, équipe très difficile (syndicat), matériel usagé et puis seul face a tous les locaux. Le temps a été primordial pour, au fur et a mesure, obtenir la confiance de mes équipes afin qu’ils comprennent que je n’étais pas là pour les pénaliser mais plutôt pour les aider. Au final cela a été une grande réussite car nous avons réussi avec le temps a faire de l’équipe de cuisine quelque chose et de proposer à la clientèle locale quelque chose de plus haut de gamme en dépit des difficultés.
Pour terminer, j’ai été embaucher au sein d’un groupe hôtelier international (Sofitel) pour la Polynésie française. Donc départ pour les îles mais cette fois ci avec en charge 3 hôtels (2 Sofitels et 1 Novotel) pour au total plus de 200 chambres. Le premier contact avec les locaux fut assez bon car je venais de la Nouvelle Calédonie donc difficile de me faire subir ce je connaissais déjà : Découverte d’une autre culture, de nouveaux produits et d’un paysage idyllique. J’ai ensuite mis en place une cuisine bio sur l’un des hôtels, ce qui fut une nouveauté chez Sofitel Worldwide. Après deux années à Bora Bora, départ pour la chine toujours chez Sofitel où là , les choses sérieuses ont commencé : Préparation de l’exposition universelle, nouveaux standards d’hygiène chinois à mettre en place, accueil des vip du monde entier, mise en place d’une restauration bio pour l’ensemble de l’hôtel ; une première sur Shanghai, proposer un produit de qualité au même prix que la concurrence. Et enfin départ après plus de deux années sur Bangkok pour l’ouverture de la nouvelle marque du groupe dans une métropole avec ma participation aux nouveaux standards de la nouvelle marque.
(Photo de droite : Le printemps dans une assiette, condiment XO, huile de piment du Sichuan)
Pourquoi avoir pris la décision de partir travailler à l’étranger il y a quelques années et comment êtes-vous arrivé jusqu’à Bangkok aujourd’hui ?
La France est le pays idéal pour comprendre la cuisine, les bases et les fondamentaux de notre héritage. Mais à notre époque, il est préférable de quitter la France pour voir d’autres cultures, de comprendre les peuples et surtout de découvrir des produits uniques. La France a besoin d’ambassadeurs pour mettre en avant notre cuisine, notre culture et former a l’étranger de nouveaux chefs qui prendront la relève.
Vous avez jusqu’à présent reçu de nombreux titres vous récompensant pour votre cuisine, pourriez-vous nous les présenter en quelques mots ?
Les récompenses reçues sont le résultat d’un travail d’équipe de plusieurs années. J’ai eu au cours de mes expériences de bonnes revues dans des magazines français et internationaux, des notes dans de nombreux guides gastronomiques dont même la visite du Michelin. Les Awards obtenus sont le résultat d’un travail basé sur la mise en avant des produits locaux, de la cuisine locale mais surtout d apporter au marché local une nouvelle approche de la cuisine. Aux USA, j’ai obtenu le titre « Best of Boston » pour l’ouverture d’un bistro français accès sur le bio ; en Floride pour avoir ouvert le premier traiteur français ; en France pour l’innovation de notre cuisine du marché dans le quartier de la bourse ; en Polynésie pour la création d une cuisine bio ; en Chine pour avoir proposé a notre clientèle une cuisine saine, nouvelle avec l’accent sur des produits sûrs en terme de traçabilité (Visite des fermes et importation de produits d’origine).
Aujourd’hui, le nouveau challenge devient Bangkok avec l’ouverture d’un hôtel nouveau dans son genre sur la ville avec une cuisine du marché. Enfin, le prix 2011 qui a récompensé ma fidélité au sein de Sofitel fut l’obtention de la Silver Bernache pour mon innovation, un prix qui ne s’obtient pas facilement et qui est un peu la légion d’honneur pour la république au sein du groupe.
Comment se passe au quotidien la communication avec votre brigade de cuisine et le fait de ne pas parler thaïlandais couramment n’est-il pas un frein à votre travail ?
La communication est essentielle au sein de n’importe quelle brigade, ici ou ailleurs, et même en occident. La communication est le talon d’achille de nombreuses équipes car lorsque vous vous lancez au sein d’une nouvelle équipe, il faut avoir leur confiance afin qu’ils puissent au fur et à mesure être proche de vous pour que la communication se fasse mieux.
Ici je démarre tout juste et la communication doit venir de moi en les mettant en confiance pour que chacun des membres de mes équipes comprennent mon fonctionnement et que même étant un étranger, je peux les comprendre et cela peu importe la langue. En Chine, le résultat a été très positif et même les chinois se demandaient comment j’avais fait en aussi peu de temps pour comprendre leur façon de penser. Nous avons tous deux bras, deux jambes, une tête et il faut faire en sorte que nous comprenons leur culture mais au final, ils s’adaptent peu a peu a la vôtre.
Parlons maintenant de votre cuisine. Quels sont les termes qui pourraient la caractériser et si vous deviez nous donner quelques exemples de plats que vous aimez réaliser, lesquels choisiriez-vous ?
Une cuisine de passion, une cuisine de partage mais aussi désormais une cuisine d’équilibre basée sur le bon équilibre des goûts mais aussi des protéines. En Chine, mon succès phare fut le travail de la cuisine chinoise à l’occidentale avec la transformation des fameux « dim sum » (Le dim sum est un ensemble de mets de petite portion. Ndlr) avec des recettes occidentales. Je travail en ce moment sur la même chose avec la cuisine thaï qui est très riche en saveurs et en couleurs, donc il faut pouvoir mettre en avant cette cuisine de famille et la rendre plus esthétique.
Quels sont vos plus beaux souvenirs culinaires ?
– Manger des huîtres avec mon frère et mon père sur le port de Concarneau à même le quai
– Goûter aux confitures de ma mère qui les préparait tous les étés avec les fruits du jardin
– Manger une omelette aux cèpes dans les Pyrénées au milieu des chevaux sauvages
– Déguster des écrevisses dans les rues de Shanghai avec Pascal Barbot
– Manger dans un refuge de montagne des produits locaux avec l’équipe de Régis Marcon après une vingtaine de kilomètres à vélo
– Manger dans les rues de Shanghai avec les membres de mes équipes la cuisine des autres provinces
Qu’est-ce que toutes ces expériences réalisées à l’étranger vous ont-elles apporté ?
– Prendre du recul face aux difficultés quotidiennes
– Manager les équipes avec diplomatie
– Partager mes expériences avec chaque nouvelle équipe
– Rencontrer de personnes uniques
– Découvrir de nouvelles cultures, civilisation, villes, paysages et surtout de nouveaux produits pour ma cuisine
Vous êtes tout de même à l’autre bout du monde et beaucoup de jeunes (ou moins jeunes) s’y verraient dans quelques années. Quels sont les conseils que vous donneriez à ceux qui envisagent une carrière de chef à l’étranger ?
– Eviter de travailler pour des indépendants
– Eviter d’être trop proche des communautés d’expatriés (Mauvaise image)
– Etre prêt à bosser beaucoup plus
– Faire profil bas en toute circonstance
Vous venez d’arriver à Bangkok mais vous avez peut être quelques futurs projets en tête. Si oui, quels sont-ils et envisagez-vous un jour ou l’autre d’ouvrir votre propre établissement ?
Je garde cela pour moi.
Toute l’équipe de Passionculinaire.fr remercie Nicolas Vienne d’avoir répondu à nos questions. Retrouvez plus d’informations sur Nicolas Vienne : Sur son site internet Découvrez l’hôtel où Nicolas Vienne travaille